Bénin

Athanase Bocco : le délégué médical parle des sirops de la mort et de l'Autorisation de Mise des Médicaments sur le marché

L’investigateur 22/10/2022 à 20:40

Le gouvernement béninois a lancé un appel à la vigilance des populations pour signaler toute présence de produits douteux. Ceci fait suite à la détection en Gambie de quatre sirops source probable de la mort de près de 70 bébés. Au micro de la rédaction de votre journal, Athanase BOCCO, PDG de l’Agence Pro-Médical représentant des Laboratoires Ajanta-Pharma, pose un diagnostic et situe le problème de la provenance de ces genres de manœuvres. Pour lui, seule une très grande médiatisation sur ces produits incriminés peut aider les populations à éviter de tomber dans les travers.

En réaction aux mesures de veille suite à la découverte des sirops de la mort en Gambie, le gouvernement de Patrice Talon demande aux populations de faire très attention à ces produits. Spécialiste du domaine pharmaceutique, le représentant des Laboratoires Ajanta-Pharma, Athanase BOCCO après avoir analysé la situation, a exhorté le gouvernement, les médias à beaucoup plus de sensibilisation. A la question de savoir comment se font les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) pour qu’on en arrive à retrouver parfois des produits consommés qui causent de tort aux populations, il donne des clarifications.

"Pour mettre un produit sur le marché, ce n’est pas aussi facile que ça. Il faut d’abord que le Laboratoire fabrique le produit en modèle-échantillon à soumettre à l’appréciation du pays choisi. Il faut que le Laboratoire prépare le dossier sur le produit. Et lorsqu’on parle de dossier, on parle de pharmacosynétique, pharmacodynamique, études cliniques,... Et le Laboratoire choisit un représentant dans un pays par lequel il négocie tout. Et c’est lui qui va déposer les produits à la Direction des pharmacies, appelée aujourd’hui Agence Béninoise de Régulation Pharmaceutique (ABRP). Cet office s’occupe de recevoir le produit du Laboratoire après le payement d’une quittance au Trésor public, soit 500 mille francs pour les nouveaux produits et 250 mille francs pour ceux qui avaient déjà reçu une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Dans ce dernier cas, on parle de Renouvellement, parce qu’une AMM ne dure que cinq ans de validité. C’est ainsi que les pharmaciens de l’ABRP contrôlent si tout est à jour. L’ABRP organise une réunion appelée Commission d’Homologation. Cette commission étudie le dossier et donne son accord de principe, si tout va bien", a-t-il dit.

Si c’est aussi bien organisé, comment justifier ce désordre dans le secteur ?

Il s’est indigné du fait qu’il y a beaucoup de faux sur la ligne. Ce qui n’est pas la faute du Bénin et des pays africains. Selon lui un gros travail se fait au niveau de 8 pays de l’Uemoa qui parlent le même langue. Puisque pour l’obtention de cette AMM, "c’est important si vous l’aviez déjà eu dans certains pays dont le Bénin". Mais le réel problème, selon Athanase BOCCO est qu’il y a des Laboratoires qui n’existent que de nom et sur papier.

"Entre-temps lorsque c’était la Direction des pharmacies, elle exigeait une visite du Laboratoire avant l’obtention de l’AMM, je ne sais pas si ceci est toujours en cours. Mais, du fait qu’il y a des Laboratoires dont les noms n’existent que sur papier qui ne peuvent même pas fabriquer un comprimé de paracétamol. Ils viennent, ils se trouvent un bureau quelque part, ils donnent l’adresse. Il y a des conférences internationales qu’on appelle CPH, auxquelles des Laboratoires qui sont là pour fabriquer et d’autres pour vendre des principes actifs participent. Mais, eux autres, ils ne viennent pas. Donc on se lève, on crée un nom, on achète un principe actif et on dit aux Laboratoires, fabriquez-moi tel produit", dénonce-il avant de situer le mal.

"S’il faut 100mg pour fabriquer 50 comprimés, ils peuvent dire aux fabricants, avec les 100mg, fabriquez-moi 100 comprimés ou encore il peut demander de surdoser. Et on sait que si un malade prend un produit et que ça passe vite, il est content. Mais les conséquences sont sans appel. D’où le problème actuel des sirops".

Quelle sera donc l’attitude des populations face à ces produits de la mort ?

Pour le PDG de l’Agence Pro-Médical, "quand on cite ces noms là, plus de 80% des populations ne peuvent pas les garder. C’est là le véritable danger. Donc si ces produits circulent dans les villages, nous sommes impuissants. C’est vrai que le communiqué du ministère de la santé est sortie, mais il faut que nous fassions beaucoup attention et que si quelqu’un voit ça quelque part, qu’il l’apporte rapidement.

Mais il faut d’abord retenir le nom du produit avant de s’en rendre compte. A cette inquiétude, il répond que c’est "un problème de médiatisation à outrance. La santé, c’est l’information de la population. Elle doit savoir ce qu’elle prend et ce qu’elle doit prendre. Puisqu’il y a des produits qu’on surdose. Alors, pourquoi l’OMS dit ça ? C’est parce qu’elle est l’institution qui connait les dosages qu’il faut par produit. Et rares sont les Laboratoires pré-qualifiés par l’OMS. Puisque se faire pré-qualifier veut dire que l’institution internationale a vérifié vos installations, vos compositions".

Que fait le Bénin dans ce sens afin d’éviter aux populations des désagréments ?

Dans ce sens, les spécialistes de la veille au Bénin font sporadiquement des contrôles dans les pharmacies, et choisit quelques boîtes (par exemple ces sirops dont on parle), les envoie au Laboratoire ici, et aussi dans un autre Laboratoire à l’extérieur pour une contre-expertise... Mais, ont-ils réellement les moyens de leurs actions ? C’est ça le problème fondamental. Donc, il faut dire au gouvernement, qui a mis une bonne politique en place, de leurs donner les moyens d’aller jusqu’au bout.




 
 

 
 
 

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