Chronique
Chronique : « A ta place, enseignant, je me sens faible, abîmé dans mon corps et dans mon cœur »
« ... Ce n’est point leur faute. Ce n’est point la faute de celui de qui ils l’ont entendu. C’est la faute de la société. Et te voici dépossédé, dévalué, dévalorisé, sous-valorisé.
Et ton honneur, ils l’ont froissé et jeté dans la poubelle. Or, que reste-il à un homme avant, pendant et après tout ? L’honneur. Tout est perdu sans l’honneur. A ta place, enseignant, je me sens faible, abîmé dans mon corps et dans mon cœur.
C’est toi qui, dans le ventre de la brousse, dans les bras de serpent et de tout reptile, sur les tas d’immondices, au marché, cours à la recherche des instruments concrets pour faire découvrir le savoir à l’enfant.
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C’est toi qui es le seul Béninois qui peut vivre dans les zones où la vie est des plus pénibles dans le pays. Les hameaux ou simplement les brousses où quelques âmes vivent, toi, tu y vas la lampe du savoir à la main pour sortir de l’ignorance des âme encore fragiles. Là où il n’y a point d’hôpitaux ni centre de santé ni dispensaire, maître, tu es présent pour former, pour forger, luire et éclairer, pour donner l’espérance.
Maître, tu qui planches sous les longues dizaines de cahiers à corriger chaque soir et tous les soirs ; le samedi et le dimanche, nous autres qui avons sûrement dévalorisé les enseignants, nous vaquons librement à nos mondanités, et toi, à côté, tu es sur les fiches à préparer avec soins. Le directeur-correcteur est impitoyable.
Qui d’entre nous entre dans le silence de la médiation et cherche à comprendre comment nos maîtres réunissent à faire entrer dans l’esprit de l’enfant qui découvre l’école les premières graines du savoir, du savoir-être et du savoir-vivre ? Quel ensemencement ! Quel semeur !
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Qui d’entre nous pense, pour emprunter l’expression du père Alphonse QUENUM qui songe même à la « mystique du semeur de l’enseignant » ? Le maître au primaire est spécialiste de toutes les matières. Il réussit à nous faire comprendre de la mathématique aux duretés de la langue française, ce qu’il est important de savoir pour être un homme, un homme œuvre.
Tout le monde jette l’opprobre sur toi, l’accable de tous les péchés, enseignant. Mais aucun d’entre eux n’est prêt à changer de carrière au nom d’un patriotisme qu’ils n’ont pas, pour aller à la craie. Docteurs, ingénieurs, administrateurs, experts et Quoi encore d’autres se captent-ils d’être.
Peuvent-ils dérouler avec méthode, pédagogie, patience et tempérance un seul cours pour que l’enfant comprenne. Peuvent-ils parler six heures à huit heures par semaine avec cohérence à des gens sans leur donner sommeil et dégoût et cela cinq jours par semaine ?
On les voit souvent au bout d’une heure de prise de parole : le galimatias, le non-sens, le coq-à-l’âne de discours vous de l’indigestion pour des semaines et des mois.
Si nous songions a ta mystique, enseignant, nous ne ferons pas des choses qui nous tombent à la vue aujourd’hui. ...
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A ta place, enseignant, je vis le paroxysme du Mal qu’on te fait. S’il te faut entrer en chambre, dans la chambre de ton cœur, entre et pleure. Puis après sors et regarde les cieux. Ils veillent, eux au moins savent. Et si tu vois le baron, il dit : « si tu travailles pour les hommes, très frères, ils te jetteront peut-être la prière. Si tu travailles pour le roi, il te laissera peut-être mourir de faim. Apprends à travailler pour ta satisfaction personnelle. Ne t’alarme pas. Seule ta conscience sans paix te donnera la récompense », le Sage a dit.
C’est déjà demain, un autre jour, un autre soleil, d’autres douleurs, d’autres larme, c’est sûr ! Oui, je le sais. Je l’imagine. Mais fais énergiquement ta longue et lourde tâche dans la voie où le sort a voulu t’appeler puis après le Messie viendra aux lendemains de sa venue.
Enseignant, ma plume sèche. Je sais que tes larmes non. Et je dois m’arrêter. Les minutes s’envolent. Garde le silence. Œuvre et prie et pardonne-nous, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.
Bien à vous. »
Expédit OLOGOU, chronique "Au nom de la vérité".
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