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𝐄𝐃𝐈𝐓𝐎 : 𝐐𝐼𝐚𝐧𝐝 đđąđ«đž 𝐧𝐹𝐧 𝐝𝐞𝐯𝐱𝐞𝐧𝐭 𝐼𝐧 đœđ«đąđŠđž 𝐝’𝐄𝐭𝐚𝐭 


L’investigateur 23/12/2024 Ă  09:28

Le 23 dĂ©cembre 2019 restera dans l’histoire de la CĂŽte d’Ivoire comme un jour sombre pour la dĂ©mocratie. Ce jour-lĂ , Guillaume Kigbafori Soro, PrĂ©sident de GĂ©nĂ©rations et Peuples Solidaires (GPS), ancien PrĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale, ancien Premier ministre, et candidat dĂ©clarĂ© Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2020, qui revenait d’un pĂ©riple de 7 mois en Europe et en Afrique, voyait son avion dĂ©routĂ© vers Accra, au Ghana, par la force des choses. Les autoritĂ©s ivoiriennes avaient dĂ©ployĂ© au sol, un escadron surarmĂ© chargĂ© de prendre d’assaut l’aĂ©ronef le transportant dĂšs que celui-ci aurait atterri. Le pilote a pris la dĂ©cision de sauvegarder son avion, son Ă©quipage et ses passagers en les dĂ©routant vers l’aĂ©roport le plus proche.
Furieux de n’avoir pas pu mettre la main sur celui qu’il considĂšre dĂ©sormais comme son ennemi intime, alors qu’une geĂŽle venait d’ĂȘtre fraĂźchement amĂ©nagĂ©e pour le recevoir, Alassane Ouattara a ordonnĂ© qu’un mandat d’arrĂȘt international soit dĂ©livrĂ© Ă  son encontre. Dans le mĂȘme temps, une rĂ©pression brutale, sauvage s’abattait sur ses partisans : arrestations massives et bastonnades dans les rues d’Abidjan, convois de cars bloquĂ©s aux portes de la capitale, siĂšge de son mouvement encerclĂ© puis pris d’assaut par des forces rĂ©galiennes doublĂ©es de miliciens encagoulĂ©s
. Cet Ă©pisode a de toute Ă©vidence signĂ© le basculement du rĂ©gime Ouattara dans l’Ăšre de la dĂ©rive autoritaire et brutale.
Le mandat d’arrĂȘt annoncĂ© et pris dans la foulĂ©e, en pleine nuit, aprĂšs une visite nocturne du ministre de la Justice au domicile du PrĂ©sident n’a pas prospĂ©rĂ©. L’illĂ©galitĂ© et l’illĂ©gitimitĂ© de ce mandat Ă©taient si flagrantes qu’aucun pays, jusqu’à prĂ©sent, n’a dĂ©cidĂ© d’y donner suite. Interpol a refusĂ© de mettre le PrĂ©sident de GPS sur sa liste des personnes recherchĂ©es. Et pour cause : le seul crime commis par Guillaume Soro, c’est d’avoir refusĂ© d’intĂ©grer le parti prĂ©sidentiel et d’avoir choisi de suivre son propre chemin. Alassane Ouattara a vu dans cette forme d’indĂ©pendance une menace pour son autoritĂ©, craignant que ses Ă©lecteurs ne choisissent un candidat plus jeune et plus moderne.
Être opposant Ă  Ouattara est devenu un crime d’Etat, un crime de lĂšse-majestĂ©. Tout le monde doit militer au RHDP - transformĂ© en parti unique ou en parti-Etat, on ne sait plus trop - sous peine de subir les foudres du rĂ©gime. Dans ce cas, se pose une question essentielle : qu’advient-il d’une dĂ©mocratie dans laquelle l’opposition politique est criminalisĂ©e ?
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Dans toute dĂ©mocratie vĂ©ritable, l’opposition joue un rĂŽle essentiel : elle sert de contrepoids au pouvoir, propose des alternatives et porte la voix des minoritĂ©s. En CĂŽte d’Ivoire, sous le rĂ©gime d’Alassane Ouattara, cet Ă©quilibre dĂ©mocratique a Ă©tĂ© mis Ă  mal. La tentative d’arrestation de Guillaume Soro et les poursuites judiciaires qui s’en sont suivies tĂ©moignent d’une stratĂ©gie systĂ©matique visant Ă  Ă©liminer un rival politique perçu comme une menace. Les accusations formulĂ©es contre Soro — atteinte Ă  l’autoritĂ© de l’État, insurrection civile et militaire — reflĂštent moins une recherche de justice qu’une volontĂ© de criminaliser toute forme d’opposition au pouvoir du RHDP, en la faisant passer pour un danger pour la stabilitĂ© nationale. Ainsi, s’opposer Ă  Alassane Ouattara revient Ă  tenter de dĂ©stabiliser la CĂŽte d’Ivoire. La CĂŽte d’Ivoire et Alassane Ouattara sont donc la seule et mĂȘme entitĂ©. “L’état, c’est moi !” avait dit Louis XIV, signifiant ainsi l’absolutisme et la centralisation de son pouvoir.
Dans cette affaire, et comme c’est tristement le cas dans les dictatures, la justice n’est qu’un lubrifiant pour mieux administrer le suppositoire de l’arbitraire. Et la justice ivoirienne s’est illustrĂ©e de la pire des maniĂšres, en se posant en lubrifiant docile et obĂ©issant de Ouattara and Co. Des individus, arrĂȘtĂ©s le mĂȘme jour, dans le mĂȘme lieu et pour les mĂȘmes raisons, ont nĂ©anmoins reçu des verdicts profondĂ©ment divergents. Ces Ă©carts de traitement ne reposaient pas sur les faits ou la gravitĂ© des accusations, mais uniquement sur leur acceptation ou leur rejet de Guillaume Soro. La vĂ©ritĂ© judiciaire a cĂ©dĂ© la place Ă  une logique d’allĂ©geance : ceux qui se dĂ©solidarisaient de Soro voyaient leur sentence attĂ©nuĂ©e, tandis que les fidĂšles Ă©taient lourdement condamnĂ©s. Ainsi, les principes Ă©lĂ©mentaires du droit se sont effacĂ©s, laissant place Ă  une justice aux ordres. Comme l’écrivait Montesquieu, « Il n’y a point encore de libertĂ© si la puissance de juger n’est pas sĂ©parĂ©e de la puissance lĂ©gislative et de l’exĂ©cutrice. » En CĂŽte d’Ivoire, cette sĂ©paration n’est plus qu’une illusion tragique. L’émission rapide d’un mandat d’arrĂȘt international, les procĂšs expĂ©ditifs de ses partisans et l’arrestation de dĂ©putĂ©s sans levĂ©e prĂ©alable de leur immunitĂ© parlementaire sont autant de confirmation que l’État de droit est mort en CĂŽte d’Ivoire et que c’est la justice qui a enfoncĂ© le dernier clou dans son cercueil.
En assimilant les divergences politiques Ă  des actes criminels, Alassane Ouattara et son clan Ă©touffent toute possibilitĂ© de dĂ©bat constructif et de contradiction pacifique. Cela ne peut produire que du nĂ©gatif. LĂ  oĂč les voix pacifiques sont Ă©touffĂ©es, la rage ou la colĂšre se font entendre. Kofi Annan nous avait pourtant avertis : « La justice doit ĂȘtre une main qui unit, non une arme qui divise. »
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La criminalisation de l’opposition affaiblit les bases mĂȘmes de la dĂ©mocratie. En effet, en dĂ©clenchant cette chasse Ă  l’homme uniquement pour empĂȘcher Guillaume Soro de se prĂ©senter Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2020, Alassane Ouattara a attentĂ© au pluralisme politique, pourtant consacrĂ© par notre Constitution, assassinĂ© la libertĂ© d’opinion et privĂ© les Ă©lecteurs d’une alternative majeure. Cette stratĂ©gie court-termiste, axĂ©e sur la consolidation Ă  tout prix du pouvoir des Ouattara, non seulement fragilise durablement la Nation, mais aussi ternit l’image internationale de la CĂŽte d’Ivoire. Les appels de plusieurs organisations de droits humains, comme Amnesty International, pour un respect des procĂ©dures Ă©quitables et des libertĂ©s fondamentales montrent Ă  quel point le pays est ridiculisĂ© sur la scĂšne mondiale. La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a ainsi dĂ©crĂ©tĂ© souverainement et Ă  deux reprises, que les poursuites engagĂ©es contre Guillaume Kigbafori Soro Ă©taient politiquement motivĂ©es, visant Ă  l’empĂȘcher d’exercer son droit d’ĂȘtre Ă©lecteur et d’ĂȘtre Ă©lu, et de ce fait, devaient ĂȘtre annulĂ©es. Purement et simplement.
Pendant que le RHDP est au pouvoir et que ses dirigeants se dĂ©lectent de leur illusion de toute-puissance, ils doivent garder en mĂ©moire cette cĂ©lĂšbre mise en garde de l’écrivain Albert Camus : « Un pays ne se juge pas Ă  la maniĂšre dont il traite ses puissants, mais Ă  la maniĂšre dont il traite ses opposants. »
L’histoire rĂ©cente de la CĂŽte d’Ivoire montre Ă  suffisance, que la rĂ©pression n’a jamais Ă©tĂ© une solution politique viable. Au contraire, elle ne fait qu’exacerber les tensions et creuser les divisions. C’est la criminalisation d’Alassane Ouattara qui lui a permis de mobiliser des soutiens au sein de l’opinion, et de fĂ©dĂ©rer autour de lui ses “co-rĂ©gionnaires” et ses co-religionnaires pour lui permettre d’accĂ©der Ă  la magistrature suprĂȘme. Mais Ă  quel prix ? Gardons-nous de reproduire ces schĂ©mas qui ont fait tant de mal Ă  notre pays.

Par 𝐓𝐎𝐔𝐑𝐄 𝐌𝐹𝐼𝐬𝐬𝐚




 
 

 
 
 

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