Guillaume Soro

Intégralité de la récente interview de Guillaume Soro

L’investigateur 30/12/2019 à 21:03

Guillaume Soro, « Je vais bien », lâche d’emblée l’ancien président de l’Assemblée nationale, contre qui les autorités de son pays viennent pourtant d’émettre un mandat d’arrêt international. Au JDD jeudi, il a confié son intention de faire campagne pour l’élection d’octobre et sa déception du peu de soutien de la France.

Après votre retour manqué en Côte d’ivoire, allez-vous rester en France ?

Oui, puisque le président Ouattara m’interdit de rentrer dans mon pays.

Vous vous placez donc sous la protection des autorités françaises ?

Je dispose d’un visa normal et n’ai demandé aucune assistance particulière à Paris.
Un mandat d’arrêt international a été émis contre vous.

Vous ne craignez pas d’être interpellé ?

Ce mandat n’est pas fondé sur le droit, mais simplement fait pour empêcher un candidat d’accéder à la tête de son pays. Il ne peut donc opérer puisqu‘il est politique. La plupart des pays européens qui défendent les droits de l’homme refusent d’ailleurs d’appliquer ce genre de mandat.

Que s’est-il passé lors de votre retour avorté en Côte d’ivoire ?

Après m’être déclaré candidat en octobre, j’avais décidé de me rendre le 23 décembre à Abidjan pour lancer ma campagne. Nous étions dans l’avion lorsque le pilote est arrivé dans la cabine : une tour de contrôle au Niger venait de l’avertir qu’il était périlleux d’atterrir à l’aéroport d’Abidjan, où il y avait un déploiement anormal de forces de l’ordre. J’ai insisté, mais le pilote m’a répondu « pas question ! », d’autant qu’un assaut contre l’appareil était possible.

Pourtant, vous saviez que ce voyage allait être périlleux. La veille, vous aviez déjà renoncé à atterrir à Abidjan. Avez-vous négocié ce déplacement avec les autorités, ivoiriennes, notamment le président Ouattara ?

Je n’ai jamais eu de conversation avec M. Ouattara. Le 22 décembre, je devais effectivement me rendre à Abidjan. Mais j’ai été contacté par une personne qui souhaitait que le voyage n’interfère pas avec la visite d’Emmanuel Macron en Côte d’ivoire. Ce monsieur s’appelle Pierre Fakhoury [architecte et entrepreneur proche du pouvoir ivoirien].

Pourquoi prendre cet appel de Pierre Fakhoury au sérieux ? Parlait-il au nom des autorités françaises ?

Il prétend y avoir ses entrées. Et c’est un grand ami d’Alassane Ouattara. Donc, après qu’il m’a dit que mon arrivée pouvait nuire à la visite de Macron, j’ai accepté de différer ce déplacement de vingt-quatre heures. A ce propos, je suis quand même surpris : le président français s’est rendu en Côte d’ivoire, y a fêté son anniversaire mais il n’a pas eu la capacité de dire à ses hôtes qu’il était important de respecter la démocratie en Afrique. J’espérais qu’un président comme lui ait davantage de courage et de maturité pour le faire.

Avez-vous eu des contacts directs avec l’Élysée avant votre départ ?

Je n’ai aucun contact avec l’Élysée. Lors du séjour de Macron en Côte d’ivoire, des fonctionnaires du Quai d’Orsay ont reçu les partis politiques de l’opposition, mais c’était juste pour sauver la face. J’ai entendu le président Macron parler d’un sentiment antifrançais dans les ex­colonies. C’est faux ! Mais quand un dirigeant comme lui s’affiche avec des septuagénaires honnis par leur peuple, que peut-il attendre des jeunes générations africaines ? Avez­ vous vu ces images ridicules où le vice-président de la Côte d’Ivoire, un homme de 76 ans, lui chante <> ? C’est une honte.

Êtes-vous déçu de l’attitude d’Emmanuel Macron ?

« M. Ouattara avait lui aussi fait campagne en exil » Je suis surtout choqué et horrifié par celle de M. Ouattara, que l’on présente encore comme un homme policé venant du FMI. Mais le FMI a fabriqué un autocrate qui a interdit toute manifestation politique pendant la visite de Macron, qui dispose de milices parallèles encagoulées faisant des descentes dans les sièges des partis politiques, arrêtant cinq députés sans que leur immunité parlementaire n’ait été levée.
Cela étant, je suis choqué aussi que l’opinion française ne réagisse pas. Cette visite de Macron en Côte d’ivoire, c’est Bouygues qui l’a organisée. Et on sait l’influence de Bouygues dans la sphère politique française. Au nom de contrats juteux, on est donc prêt à fermer les yeux sur le piétinement de la démocratie en Afrique.

Qu’allez-vous faire, maintenant que vous ne pouvez plus retourner dans votre pays ?

Je suis et reste candidat à la présidence de la République. Je vais organiser la résistance comme le général de Gaulle l’a fait depuis Londres. Avec tous les partis politiques et le président Bédié [Henri Konan Bédié, chef de l’Etat ivoirien de
1993 à 1999], nous devons sauvegarder la démocratie en Côte d’ivoire.

Vous vous comparez à de Gaulle. Cette résistance peut-elle donc devenir armée ?

Non ; autre temps, autre méthode. Il ne s’agit que de résistance politique. Après avoir créé une crise postélectorale en 2010, M. Ouattara vient d’inventer la crise préélectorale. Il faut donc que la classe politique s’organise pour combattre cela.



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