Bénin

Chronique : Pourquoi le PAG doit enterrer ‘‘Yovo, cadeau’’

L’investigateur 9/01/2021 à 13:53

Une comptine qui date d’au moins cent ans, puisque les Béninois qui, en 2021, sont entre 70 et 80 ans, se souviennent de l’avoir psalmodiée, enfants, à chaque rencontre d’un Blanc, d’un Métisse ou d’un Jaune. Et il importait peu que le même étranger passât sous nos yeux plusieurs fois par jour, nous ne nous lassions point de l’accueillir au chant de : « Yovo, Yovo, bonsoir ! Ça va bien ? Merci ! »

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C’est que les missionnaires catholiques et les fonctionnaires coloniaux nous faisaient forte impression à cause de leur couleur différente de la nôtre et de leur mode de vie dont nous ne pouvions pas rêver pour nous-mêmes. A la vue donc de l’impossible destin, nous chantions, au bord de l’acclamation. Notre joie était proche de celle qui nous animait une fois l’an, à la fête du Christ-Roi, lorsque la procession solennelle passait dans notre quartier, et que nous apercevions le prêtre juché sur quatre marguilliers, et portant avec immenses dignité et piété l’ostensoir-or, habitacle du Créateur et Maître des univers. Mais pourquoi le sempiternel ‘‘bonsoir’’ de notre chant ? Mystère !

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La belle tradition de l’heureux salut offert à toute personne non noire se poursuivit longtemps après le 1er août 1960, et quelque temps encore après le 26 octobre 1972. Puis, à tâtons d’abord et rasant les murs, le salut se dégrada en « Yovo, Yovo, cadeau ! » Il fallut bien reconnaître dans ce résumé décadent l’un des effets de l’extension de la pauvreté, compagne d’une croissance démographique non maîtrisée. La comptine dahoméenne, joyeuse et sautillante, travestie en mélopée maussade et mendiante.

Et aujourd’hui, laissant tomber le double appel, l’enfant béninois va droit au but : « Yovo, cadeau ! » Cinglant. Un rien menaçant. Mais l’enfant, main tendue, ne le sait pas. Lui qui, ainsi mendie, est l’avenir du Bénin. L’enfant dahoméen fut heureux. L’enfant béninois, à l’évidence, n’est pas heureux.

Faute de pétrole ou d’uranium pour nous apporter la richesse (et la guerre !?), notre pays consent aujourd’hui des efforts conséquents pour se rendre fréquentable, attractif pour les étrangers qui, venant le visiter, dépenseront le yen, le dollar, l’euro, pour habiter dans ses hôtels bien entretenus, acheter ses productions locales artisanales et artistiques, sourire et rire à ses spectacles nouveaux sur ses plages propres ou en d’autres lieux étudiés pour qu’il garde de ses vacances au Bénin un souvenir tel qu’il y reviendra souvent nous voir. La richesse générée par le tourisme se partage mieux entre les citoyens en même temps qu’elle rassure l’écosystème alors que l’abîme l’exploitation du pétrole ou de l’uranium.

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Mais pour exploiter au mieux les infrastructures touristiques, le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) devra se doter d’un volet éducatif afin d’enseigner aux enfants la patience pour attendre les fruits escomptés du tourisme, la dignité et le respect de soi pour ne pas tuer dans l’œuf la poule aux œufs d’or que peut représenter le touriste. Les enfants béninois, bien plus nombreux que les enfants dahoméens, et qui, par nécessité ou avidité, chantent partout à l’oreille de l’hôte, non plus « Yovo, bonsoir » mais « Yovo, cadeau », voilà qui est du plus mauvais effet. A la fin de son séjour, l’Asiatique, l’Américain, l’Européen pourrait s’en aller, disant : « Le Bénin, c’est bien, mais partout, sauf dans ton lit, tu es assailli par des enfants-mendiants, prêts à te faire la poche ». Le PAG doit donc tuer et enterrer « Yovo, cadeau ! » pour que vienne et vive à l’aise le touriste.

L’éducation à la patience et au respect de soi à l’approche de l’ère du grand tourisme au Bénin sera prise en charge par les enseignants dans les écoles primaires et par les journalistes sur les radios de proximité. L’Etat fiancera cette éducation pour que le tourisme nous soit vraiment source de devises étrangères. « Nos enfants nous sont chers », aussi croyons-nous urgent de leur enseigner, en plus de la science, la patience et le respect de soi, vertus qui les porteront haut et loin.

Par Roger Gbégnonvi




 
 

 
 
 

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