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Cédéao : Lionel Zinsou analyse les conséquences du départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso

La décision prise par le Mali, le Burkina Faso et le Niger de quitter la CEDEAO ne sera pas sans conséquences pour ces trois pays. L’ancien Premier ministre béninois, Lionel Zinsou, a partagé son point de vue sur cette situation, mettant en lumière les implications socio-économiques de ce retrait de l’organisation communautaire.
Cette démarche conjointe de ces trois pays du Sahel n’est pas une surprise pour Lionel Zinsou. Il estime que c’est la conséquence d’une véritable crise avec l’institution. "Ces trois pays étaient suspendus de la CEDEAO (après les coups d’État qui ont porté à la tête des juntes militaires), avec des sanctions en sus. Même si elles ont été levées pour le Mali, elles sont particulièrement dures pour le Niger. On voit qu’il y a une solidarité entre ces trois pays. Qu’ils quittent la CEDEAO en même temps n’est donc pas une surprise, c’est la conséquence d’une vraie crise avec l’institution", a-t-il dit.
Le co-président de la Banque d’investissement panafricaine Southbridge pense qu’en infligeant des sanctions à ces pays, la CEDEAO veut "garder une situation normalisée en matière de fonctionnement démocratique, plutôt que de légitimer des régimes issus de coup d’États". Et "les pays du Sahel tentent d’échapper à des sanctions qui ont des conséquences économiques et sociales importantes." Pour l’ancien Premier ministre du Bénin, il aura des négociations pour tenter de faire changer de décisions aux trois pays.
Un retrait de la CEDEAO suicidaire pour les entreprises
"Théoriquement, il se passe un an entre la notification et le départ effectif de la CEDEAO. Mais il a été dit que les annonces prenaient effet sans délai. Je pense plutôt qu’il va y avoir une négociation. Une médiation officielle du président du Togo est d’ailleurs en cours. Peut-être que nous sommes dans une phase de transition plutôt que de rupture immédiate", a-t-il confié à RFI. Interrogé sur les conséquences immédiates, Lionel Zinsou met en avant les droits de douane qui s’appliqueront aux marchandises du Mali, du Burkina Faso et du Niger avant leur entrée dans la CEDEAO, rendant la situation plus difficile pour les entreprises et les investisseurs.
"Les pays sahéliens sont des fournisseurs importants des pays côtiers, notamment en denrées animales. Les choses vont être aussi plus compliquées pour les services de transports et les ports, puisque les pays de l’Alliance des États du Sahel (formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en septembre 2023) sont enclavés. Or, ils ne peuvent pas évacuer leurs productions vers le Nord en traversant le désert algérien. En outre, il est impossible que ces pays s’isolent, car d’un bout à l’autre de la CEDEAO, les échanges de population sont trop importants. Les éleveurs qui font de la transhumance vont continuer de passer à travers les frontières qui sont poreuses", a-t-il ajouté.
Une interconnexion profonde entre les pays de la CEDEAO
Enfin, en réponse à la question sur la possibilité d’accords bilatéraux avec d’autres nations notamment le Maroc ou la Mauritanie pour faire sortir la production des pays sahéliens, l’économiste franco-béninois est catégorique sur l’interconnexion profonde entre les pays de la CEDEAO, soulignant que la réalité culturelle, humaine, et économique les lie de manière intrinsèque. Il est donc nécessaire de trouver des solutions institutionnelles telles que des accords bilatéraux, un compromis avec la CEDEAO, ou un régime particulier. Quant à la perspective de la sortie des pays de l’Alliance des États du Sahel, pour créer une monnaie commune, Lionel Zinsou estime que cela est beaucoup plus complexe que de simplement sortir d’un marché commun.
"L’UEMOA permet d’échanger avec le reste du monde en utilisant les ressources de devises de tous les pays membres. Elle permet aussi de financer les déficits budgétaires de ses membres. Sortir de là, ça veut dire trouver des moyens monétaires pour palier ces deux problèmes. Ce n’est pas évident dans le cas des pays de l’Alliance des États du Sahel, qui ont deux déficits importants (6,8% pour le Niger en 2022, 8,5% pour le Burkina Faso, N.D.L.R) et une situation sécuritaire difficile. Quant à la création d’une monnaie commune, c’est un processus très complexe", a-t-il indiqué.
En somme, la décision des pays sahéliens de quitter la CEDEAO marque une nouvelle étape dans une crise qui ravive les tensions entre le maintien de la normalisation démocratique et la volonté de ces pays de préserver leur souveraineté.
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