A la découverte du culte Egungun : l'origine, le poids de l'habit, la signification de l'esprit et de la danse

Culture

Initié et fondateur de la page les « Plus belles photos de Egungoun qau Bénin », Monsieur Marius Ibikounlé a été reçu le dimanche 22 juin 2025, dans le forum « INTELLIGENTSIA DE DASSA ». Au cours d’un entretien sans langue de bois, il est revenu sur les implications du culte Egungoun. Lire l’intégralité de son intervention.

Merci de vous présenter aux membres de notre prestigieux forum INTELLIGENTSIA DE DASSA

Je suis Marius Ibikounlé

Le Egungun, c’est l’esprit d’un ancêtre qui prend corps dans un costume sacré. Il ne grogne pas. Il ne mange pas. Il ne regarde pas. Il danse, il tourbillonne, il bénit, il avertit. Il vient du monde des morts pour nous rappeler qui nous sommes. Il est un miroir, un juge, un protecteur. Quand il arrive dans la cour, on se tait.

Egungun vient de quel pays ?

Pour certains c’est l’amour entre un roi et sa fille qui ont amené le culte Egungun de l’Egypte vers le sud-soudan et l’Egypte puis après vers le Nigeria. Puis avec la guerre vers Adja-tado
Pour d’autres, ce culte est né avec les Yorubas, et avec les migrations, les guerres, les mariages et les alliances, le Egungun est venu jusqu’à nous, au Bénin, dans les villages d’Abomey, de Savalou, de Kétou, de Pobè, et jusqu’au pays Tchabè, Idasha, Mahi, Holli. Et partout, il a pris des couleurs nouvelles, mais son cœur est resté le même : honorer les morts, pour guider les vivants.

Quels en sont les caractéristiques ?

Les Egungun sont des figures sacrées, spectaculaires et puissantes de la tradition yoruba et béninoise. Le Egungun est la matérialisation visible d’un ancêtre revenu temporairement sur terre pour bénir, corriger, conseiller ou protéger la communauté. Le Egungun est un masque incarné, représentant l’esprit d’un ancêtre déifié dans la tradition yoruba et dans certaines communautés du Bénin (Tchabè, Mahi, Holli, Idasha, Nagot, etc.).

Son costume est long au manteau ou cape composé de couches de tissus brodés, perles, miroirs, coquillages

En général recouvert, dissimulé dans le tissu, parfois avec tête stylisée. Ces accessoires sont en Baguette, en queue d’animal (irukere), grelots, amulettes

Quel est le poids du costume ?

Il peut aller de 20 à 40 kg en moyenne. C’est fait en matériaux tissus sacrés, fibres, broderies royales, objets chargés d’ashé (force spirituelle)

Il apparaît lors des funérailles, festivals, journées sacrées, ou après divination.

Ils font des danses tourbillonnantes, rapides, parfois acrobatiques, exécutées pour manifester la puissance et il ne parle pas directement ; il communique par l’intermédiaire d’un traducteur (eléré)
Il est formellement interdit aux femmes de toucher le masque ou d’approcher certaines zones

En réalité, qu’est-ce que cela représente ?

Cette question mérite une réflexion profonde car Egungun représente l’Ancêtre revenu parmi les vivants.

Il est l’incarnation visible d’un esprit invisible. Lorsqu’il apparaît, il ne s’agit plus d’un simple ancêtre mais d’un être sacré qui franchit les frontières du monde des morts pour communiquer avec les vivants.

Egungun est l’âme d’un ancêtre purifié qui revient guider, protéger ou corriger sa communauté.

Egungun est un gardien des valeurs et des règles, qui rappelle à chacun ses devoirs moraux et familiaux. Il représente la mémoire vivante du peuple, un rappel de l’histoire, des lignées et des traditions. Puis il est un intermédiaire entre le visible et l’invisible, le passé et le présent.

Il est un chef-d’œuvre mobile, un reflet de l’art sacré, du textile, des couleurs et des symboles. Il fait parler les morts, enseigne les vivants, et sanctifie le temps présent et il nous rappelle que nous ne sommes que la continuité d’une lignée,

Quelle est l’importance de ce culte ?

Le culte Egoungoun joue un rôle majeur dans la société et la spiritualité des peuples Yoruba et apparentés. Le culte Egoungoun permet de garder un contact avec les ancêtres.
On croit que les morts ne sont jamais vraiment partis, et qu’ils continuent de veiller sur leur famille. Par Egoungoun, les anciens reviennent conseiller, protéger ou corriger et quand un Egoungoun parle (à travers des gestes ou des chants), c’est souvent pour donner des messages importants et rappeler des valeurs morales ou parfois dénoncer des injustices ou rétablir l’ordre.

Egungun dénonce les coupables. Il protège la communauté contre les mauvais esprits ou les malheurs. C’est pourquoi, dans certains villages, la peur du regard des ancêtres à travers l’ancêtre sacré que le Egungun représente, pousse les gens à bien se comporter et c’est une transmission de l’histoire familiale, des lignées, des récits anciens.

Qu’est-ce qui le particularise ?

Ce qui particularise le culte Egoungoun, c’est son mélange puissant de spiritualité, de mystère, d’art et de justice sociale, dans une mise en scène spectaculaire. Voici les éléments qui le distinguent clairement d’autres cultes traditionnels. l’incarnation réelle des ancêtres
Contrairement à d’autres cultes où on invoque ou honore les esprits, ici l’ancêtre est censé “revenir” physiquement.

Lorsqu’un Egoungoun apparaît, on croit que c’est l’esprit de l’ancêtre lui-même qui habite le porteur du masque.

Il est totalement couvert, de la tête aux pieds, par des tissus superposés, souvent très colorés, symboliques et brodés.

Il porte des amu­lettes, perles, objets de pouvoir, parfois même des protections contre les mauvais esprits. Une danse chargée de pouvoir
Le Egoungoun danse en tournoyant, parfois très vite. On dit que cela crée un vent spirituel qui chasse le mal et purifie les lieux ou les personnes.

Le Egoungoun tue. Mythe ou réalité ?

Le culte Egoungoun est puissant, mystérieux et entouré de secrets. Cela crée un climat de peur et de respect. L’idée que “l’Egoungoun peut tuer” vient de plusieurs choses. On croit qu’il est habité par un esprit ancien, capable de punir les gens mauvais.

Il est interdit de toucher ou de dévoiler un Egoungoun. Celui qui viole cette règle peut être victime de malédiction ou de sanctions. Certains Egoungoun mettent fin à des conflits, dénoncent des sorciers, ou révèlent des fautes cachées, ce qui peut entraîner des conséquences graves. Ce n’est donc pas qu’il tue physiquement comme un tueur à gages, mais on dit que ses actes ou révélations peuvent entraîner la mort spirituelle, sociale… ou plus.

Il est vrai que dans certaines cérémonies extrêmes, des débordements ou des violences physiques ont eu lieu, des bagarres entre Egoungoun et jeunes curieux, des châtiments de personnes accusées publiquement, des accidents liés aux foules ou à la panique.

D’hier à aujourd’hui, quel est l’état des lieux du culte égoungoun au Bénin ?

Etat des lieux...???

Autrefois, le culte Egoungoun était au cœur de la vie communautaire. Les Egoungoun représentaient la mémoire, la justice, et la protection des ancêtres. Chaque apparition était un événement majeur, organisé par des familles initiées, avec des rituels stricts. Il était interdit aux femmes et aux non-initiés d’approcher, et les règles étaient très strictes.

Dans les villages (notamment au Sud : Ouidah, Porto-Novo, Abomey, Kétou, etc.), le Egoungoun était une force d’ordre social et spirituel, parfois plus crainte que les autorités coloniales ou politiques. Du colon blanc, qui voyait ces pratiques comme "païennes", des églises chrétiennes et de l’islam, de l’école moderne et des lois républicaines, le culte Egoungoun a été rejeté, combattu, ou déplacé dans l’ombre.

Beaucoup de jeunes ont été éduqués à se méfier ou se moquer des “masques”. Résultat : baisse de la pratique, perte de certaines connaissances, crises de transmission familiale.

Mais depuis une vingtaine d’années, le culte Egoungoun connaît une renaissance au Bénin car l’état béninois reconnaît les religions traditionnelles comme patrimoine culturel. Le 10 janvier est la Journée nationale des religions endogènes. Il y a aujourd’hui des festivals (ex : festival des masques à Porto-Novo, Dassa, Ouidah) et qui célèbrent les Egoungoun. Il y a aussi des documentaires, des expositions dans les musées (comme celui de Ouidah).

Des jeunes créent des contenus TikTok, Facebook, YouTube autour de l’Egoungoun.
Certains masques défilent désormais avec sonorisation, DJ, discours publics, animations.

Mais attention il y a un risque de folklore car certains dénoncent une « dé-spiritualisation » du culte, transformé parfois en simple attraction touristique.

Le culte Egoungoun n’est ni mort, ni figé.

Il est en pleine mutation, entre tradition sacrée et modernité sociale.


Des dérives sont parfois observer lors des spectacles égoungoun. À quoi peut-on imputer cela ?

Certains anciens se taisent ou abandonnent, d’autres n’ont plus de respect dans leur propre lignée.
Ils doivent reprendre leur place comme guides spirituels.

La jeunesse initiée, doit respecter les valeurs du culte, ne pas en faire un “divertissement”. Elle ne doit pas utiliser le Egoungoun pour faire peur, extorquer, ou provoquer. Les Jeunes dépositaires d’un héritage culturel, pas des imitateurs sans âme.

Certains jeunes veulent juste “sortir le Egungun pour s’amuser”, faire le buzz ou s’imposer socialement.

Il faut leur apprendre que servir un Egoungoun est un honneur, pas un passe-temps.

Il faut éduquer les enfants dans la tradition du respect de l’esprit des ancêtres, décider sagement qui peut ou non porter le masque. On doit soutenir les cérémonies dans un cadre légal, avec sécurité, autorisations, encadrement.

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